Au cours d’une conversation avec une amie, il y a quelques jours, elle m’a dit :

  • Lâcher prise, ce n’est pas se montrer indifférent, mais simplement admettre que l’on ne peut agir à la place de quelqu’un d’autre.
  • Lâcher prise, ce n’est pas couper les liens, mais prendre conscience que l’on ne peut contrôler autrui.
  • Lâcher prise, ce n’est pas être passif, mais au contraire chercher principalement à tirer une leçon des conséquences inhérentes à un événement.
  • Lâcher prise, c’est reconnaître son impuissance, au sens où l’on admet que le résultat final n’est pas toujours entre ses mains.
  • Lâcher prise, c’est ne plus blâmer ou vouloir changer autrui et, au lieu de cela, choisir de consacrer son temps à donner le meilleur de soi-même.
  • Lâcher prise, ce n’est pas prendre soin des autres en faisant preuve d’une totale abnégation, mais se sentir concerné par eux.
  • Lâcher prise, c’est ne pas « assister », mais encourager.
  • Lâcher prise, c’est ne pas juger, et accorder à autrui le droit d’être humain, c’est à dire lui accorder le droit à l’erreur.
  • Lâcher prise, c’est ne pas s’occuper de tout ce qui arrive, et laisser les autres gérer leur propre destin.
  • Lâcher prise, c’est ne pas materner les autres, et leur permettre d’affronter la réalité.
  • Lâcher prise, ce n’est pas rejeter, c’est au contraire accepter.
  • Lâcher prise, c’est ne pas harceler, reprocher, sermonner ou gronder, et tenter de déceler ses propres faiblesses et de s’en défaire.
  • Lâcher prise, c’est ne pas adapter les choses à ses propres désirs, et prendre chaque jour comme il vient et l’apprécier.
  • Lâcher prise, c’est ne pas critiquer ou corriger autrui, mais s’efforcer de devenir ce que l’on rêve de devenir.
  • Lâcher prise, c’est ne pas regretter le passé, et vivre et grandir dans le présent pour l’avenir.
  • Lâcher prise, c’est craindre moins et aimer davantage.

Oui... intéressant... mais dans la pratique, comment faire ?

Je me suis alors souvenu d’une histoire que l’on raconte assez souvent :
On dit que dans la forêt équatoriale, un chasseur trappait le singe. Il connaissait bien un de ses travers, ce qui lui permettait de l’attraper vivant et sans la moindre blessure.
Après avoir coupé le bout d’une grosse courge, après l’avoir vidée de son contenu et remplie d’une poignée de riz, il la fixait solidement à un arbre.
Le singe, attiré par la nourriture, arrivait et y plongeait la main pour saisir le riz. L’ouverture, juste assez grande pour laisser entrer sa main vide, ne lui permettait plus de retirer sa main gonflée par le riz.
Refusant de renoncer à son butin, il restait là, prisonnier, assez longtemps pour permettre au chasseur de le prendre tout doucement.

Pourtant, me diriez-vous, il n’avait qu’à laisser la nourriture et ainsi préserver sa liberté...
Cet exemple illustre bien toute la difficulté du lâcher prise.
En fait, lâcher prise fait appel à une sorte de flexibilité, et surtout à la capacité à faire des deuils !

Ce qu’est le lâcher prise...

Ce concept peut s’expliquer et s’appliquer de bien des façons.
Une manière très simple de l’apprivoiser consiste à l’opposer à son contraire : le contrôle.

Tous, à des degrés divers, nous aimons bien avoir le contrôle, que ce soit sur notre travail ou des parties de celui-ci, sur notre vie personnelle, sur nos émotions, sur les autres peut-être.
Nous aimerions bien parfois avoir le contrôle sur des événements qui, justement, sont hors de notre contrôle.

Lorsque nous réalisons que nous ne pouvons changer ni les événements ni les autres et que nous pouvons seulement changer notre façon de les percevoir, nous sommes dans le lâcher prise.
Nous nous donnons alors une chance de vivre moins de stress.
De la même façon, lorsque nous modifions notre action pour arriver à un résultat, nous faisons preuve de flexibilité et de notre habileté à décrocher d’une conduite stérile.

Dans tous les événements qui nous arrivent, il est important de faire la différence entre ce que nous pouvons contrôler, ce que nous pouvons influencer et ce que nous ne pouvons ni contrôler, ni influencer.
Faire une distinction entre les trois est sans doute une première étape dans le lâcher prise.

Le lâcher prise et les objectifs !

Est-ce à dire que lâcher prise implique de renoncer à nos buts, à nos objectifs ?
Pas nécessairement.

Lâcher prise, dans l’immédiat, peut être parfaitement compatible avec l’action, mais impliquera parfois une action différente ou différée.

Prenons un exemple simple qui permettra de mieux comprendre.
Il vous est sans doute déjà arrivé d’avoir un nom sur le bout de la langue et de vous acharner pendant de longues minutes pour le retrouver, mais en vain.
On dirait que plus vous faites des efforts, moins vous vous en souvenez.
Puis, vous passez à autre chose, vous lâchez prise sur votre recherche. Soudain, le nom recherché arrive de lui-même et sans aucun effort.

Penser de façon obsessive à un problème est la plupart du temps complètement inefficace et ne le règle surtout pas.
Au contraire, s’en détacher provisoirement peut permettre à notre cerveau de faire émerger certaines solutions et surtout de laisser la place à l’originalité et la créativité.

Un acte de confiance ?

Pourquoi trouvons-nous si difficile de laisser aller notre besoin de contrôle ?
Parce que nous nions ou parce que nous sommes très peu conscient des peurs liées à l’absence de contrôle.

Par exemple, on peut craindre des autres qu’ils nous dominent, avoir peur de se tromper, peur de ne pas être adéquat, peur de manquer de quelque chose.
Plus on cherche à contrôler, que ce soit les collègues, le conjoint, ses enfants, une manière de faire les choses, l’opinion des autres ou même son apparence, plus cela est signe d’insécurité et moins on lâche prise.

Lâcher prise est un acte de confiance.
Cela nécessite l’acceptation de nos limites, la reconnaissance des autres dans leurs différences et la capacité de faire avec ce qui est dans le présent.

La tentation est grande toutefois de refuser ce qui n’est pas conforme à nos désirs. Le besoin de contrôle nous fait nous acharner sur ce qui aurait pu être ou ce qui devrait être et oublier ce qui est présentement.

Des moyens de lâcher prise...

Comment peut-on s’y prendre pour développer la capacité à lâcher prise ?
De plusieurs façons.

Mais la première et la plus importante n’en demeure pas moins la prise de conscience.
Devenir conscient de nos émotions face à ce qui arrive.
Devenir également conscient de l’absurdité du contrôle sur ce qu’on ne peut ni changer ni influencer.
Devenir conscient de toute la perte d’énergie et de bien-être que représentent le perfectionnisme et l’acharnement.

Par exemple, vous partez en voyage à l’étranger dans l’intention bien précise d’en profiter pour faire de la photographie, une de vos passions.
Dès votre arrivée, votre appareil ne fonctionne plus.
Il est impossible de le faire réparer sur place ou de s’en procurer un autre...
Entretenir en vous la frustration, la colère, le dépit par rapport à cette contrariété peut gaspiller vos vacances et ne corrigera en rien la situation.
Alors, ne vaut-il pas mieux recadrer cette situation ?
Vous dire, par exemple, que vous pouvez peut-être profiter autrement des belles images qui s’offrent à vous ?
Peut-être serez-vous plus sensible aux brochures, aux cartes postales, aux vidéos que vous pourrez vous procurer ?
Peut-être ne pas être embarrassé d’un attirail de photographe vous permettra-t-il de faire des activités différentes ?
Peut-être que de couper court à ces pensées moroses vous permettra-t-il de ne pas rater vos vacances et, la prochaine fois, de partir avec un plan B : une deuxième caméra ou, tout simplement, un appareil photo jetable ?

Les deuils à faire !

Simple logique, direz-vous, mais comment se fait-il que ce simple comportement soit parfois si pénible à faire ? C’est là qu’intervient la stratégie suivante qui est essentielle, soit celle d’accepter de faire le deuil de quelque chose auquel nous tenons.

Ce qui a empêché notre petit singe du début de lâcher prise quant à son désir d’obtenir le riz, c’est son incapacité à faire ce deuil.
Il croit qu’ouvrir sa main lui fera perdre la nourriture, mais il ignore qu’il n’a pas besoin de faire le deuil du riz, seulement d’une stratégie inefficace et qui menace même sa liberté.

Combien de fois, tout comme lui, nous répétons un comportement stérile ?
Pensons à toutes les fois où nous refaisons la même intervention avec un enfant, un conjoint, un ami, un collègue, intervention qui ne donne pas les résultats escomptés, mais que nous répétons inlassablement, contre toute logique, en pure perte, récoltant à chaque fois la même déception.
Nous pourrions comparer cela à une mouche prisonnière dans la maison et qui cherche à sortir. En voyant la lumière de la fenêtre, elle fonce vers la liberté, mais se frappe dans la vitre.
Elle pourra répéter cette stratégie pendant des heures, jusqu’à l’épuisement et même la mort, même si ce moyen est complètement inefficace.

Lâcher prise implique parfois de faire le deuil d’une croyance, les il faut, les je dois appris, conditionnés et inefficaces quant au résultat.
Par exemple : il faut que tout soit parfait. - Tout doit toujours fonctionner comme je le veux. - Je dois tout faire moi-même.

D’autre fois, c’est du résultat qu’il conviendra de faire le deuil puisqu’il n’est pas entièrement sous notre contrôle (par exemple, les résultats scolaires de notre enfant ou l’ordre dans sa chambre).
Certains auraient intérêt à faire le deuil de leur passé, de leurs épreuves, de leurs problèmes, puisqu’on ne peut changer le passé et que le ressasser inlassablement nous empêche de profiter du moment présent.
Certains traînent avec eux, pendant des années, des deuils et refusent de tourner la page, minant ainsi leur propre moral et celui des autres.

Les deuils à faire sont multiples, que l’on songe à toutes les idées irréalistes que nous entretenons sur nous-même (vouloir être apprécié de tous, par exemple, ou vouloir que tout le monde autour de nous soit bien), sur les autres (souhaiter que son conjoint ou son collègue de travail ait un caractère différent), sur le travail, etc.
Pardonner est aussi une façon de lâcher prise.

La première question à nous poser, donc, pour comprendre pourquoi nous avons autant de difficulté à lâcher prise dans certaines situations, est la suivante :

De quoi dois-je faire le deuil ?

Il y a bien évidemment des deuils plus difficiles à faire que d’autres, comme le deuil d’une valeur importante à nos yeux.

Par exemple, l’infirmière qui devrait faire le deuil du temps qu’elle peut passer avec un client en raison d’une réorganisation d’un plan de soin, et qui a comme valeur importante la relation qu’elle établit avec le client, trouvera très difficile de faire le deuil de cette partie de son travail.
Pour elle, ce serait presque se renier elle-même, renier sa mission.
Nous pouvons comprendre alors l’énorme résistance qu’elle développera, résistance qui pourra aller jusqu’à se chercher un milieu de travail plus satisfaisant qui respecte sa valeur. À moins qu’elle ne change le processus de vérification de cette même valeur, c’est-à-dire sa façon de vérifier sa valeur.

Lâcher prise implique donc parfois de nous changer nous-même ou de nous accepter avec nos limites, nos valeurs, ce qui nous permet d’accepter les autres bien plus aisément.
Le cerveau humain est très complexe et capable de grandes choses, à condition que nous développions sa grande flexibilité.

Être flexible, c’est accepter de lâcher prise si les moyens que nous utilisons ne fonctionnent pas.
C’est aussi essayer autre chose, une autre stratégie.
C’est aussi nous mettre en recherche active de d’autres moyens pour arriver à nos fins.
C’est accepter de laisser aller un certain contrôle.

Un déclencheur du lâcher prise ?

Voici un truc qui semble facile, mais qui demande un peu de pratique.
C’est un excellent déclencheur du lâcher prise :

Il s’agit de vivre le moment présent !

Cela nous fait automatiquement couper court aux pensées parasites, qu’elles concernent le passé, l’avenir, les problèmes, les faux buts et les mauvais moyens.

Ici et maintenant libère, permet de décrocher et d’être sensible aux alternatives.

Trouvez un moyen qui vous permette d’être dans le moment présent.
(Pourquoi ne pas vous mettre à la photo pour vous forcer à regarder ou à l’observation des oiseaux ou des papillons ou au jardinage ?)

P.-S.

D’après la lecture d’un article de Marie Bérubé, psychologue.